En milieu professionnel

Que pensent de la médiation les directions juridiques d’entreprises qui la pratiquent ?

La médiation est une pratique de traitement des conflits qui permet aux parties de devenir acteurs de leurs conflits plutôt que d’en être dépossédées par des procédures judiciaires coûteuses, toujours aléatoires et souvent efficaces pour envenimer et faire perdurer les situations conflictuelles.

Cette pratique s’est d’abord développée dans le monde anglosaxon avant d’aborder le continent européen, par l’Europe du Nord. Elle concerne non seulement les entreprises pour leurs conflits internes et inter-entreprises, mais beaucoup plus largement l’ensemble des citoyens qui peuvent y recourir pour tous types de conflits, qu’ils soient d’ordre privé ou professionnel.

Où en est-on vraiment en matière de médiation en France et quels enseignements tirer des pratiques des entreprises au profit du citoyen lambda ?

L’étude auprès des directions juridiques d’entreprise publiée par Squaremetrics en janvier 2013 révèle qu’un tiers d’entre elles ont résolu un conflit par la médiation en 2011, qu’une médiation est généralement conclue en moins de 3 moins et coûte moins de 2500 euros dans la majorité des cas.

Au delà de ces trois enseignements, le détail des résultats est encore plus révélateur :

Les médiations sont essentiellement menées au niveau national (30%) et très marginalement au niveau national et/ou international (5%). Autrement dit, le développement des médiations en entreprises s’opère bien en France hors de tout contexte international.

Les principaux conflits qui font l’objet de médiation sont les conflits pour inexécution contractuelle (25%) et pour impayés (17%), les autres motifs restant beaucoup moins fréquents (règles de concurrence (6%), brevets et marques (5%), conflits sociaux (4%) et responsabilité produit (4% )…De même, les médiations impliquent principalement des clients (32%) et des fournisseurs (28%).

Il s’agit donc de conflits contractuels ou financiers impliquant des clients ou des fournisseurs, qui, au delà du monde de l’entreprise, concernent très largement tous les citoyens, notamment en tant que consommateurs ou professionnels.

Même si les entreprises disposent de services juridiques,  le recours à la médiation est encore très peu formalisé, notamment les critères qui  les directions juridiques choisissent-elles de recourrir à la médiation face à un conflit ? Le rôle ou l’importance de la relation avec l’autre partie est mis en avant (19%), mais pour le reste, doit-on choisir de recourir à la médiation lorsque le litige est  accessoire par rapport à l’activité de l’entreprise ou lorsqu’il s’agit d’un enjeu stratégique ? Est-ce un moyen de réglement plus adapté lorsque de faibles montants sont en jeu ou au contraire lorsqu’ils sont élevés ? Doit-on privilégier la médiation en raison de  l’urgence de la situation ou en cas de conflits récurrents ?

25% des entreprises raisonnent au cas par cas sans avoir de politique formalisée et plus de 65% des directions juridiques ne connaissent pas ou peu la réforme de janvier 2012 qui a pourtant mis en application les directives européennes sur le recours à la médiation. En outre, plus de 72% ne sont pas formées aux réglements amiables des conflits.

Par ailleurs, 6% des directions juridiques relèvent que les avocats proposent spontanément de recourir à une médiation, et 39% estiment que cela n’arrive jamais.

Le moins que l’on puisse dire est que les directions qui recourent à la médiation sont  loin d’en tirer une philosophie unique, sans doute à l’image des conflits et des environnements qui les traversent : le grand public aurait donc  bien tort de se laisser impressionner et ne devrait pas non plus attendre que le recours à la médiation lui soit recommandé par son avocat …

Les médiateurs indépendants sont autant sollicités par les entreprises que les centres spécialisés dans la médiation (à hauteur de 31%) une petite minorité faisant appel à un avocat ( 7%) ou à un conciliateur sur une liste établie par le juge.

Là encore, la médiation reste une pratique « artisanale », ce qui est bien dans sa philosophie : il n’y a pas de bon médiateur type ; à chacun de choisir le sien et tout le monde est en mesure de le faire.

Enfin, la médiation se défend particulièrement bien en termes de délai et de résultats :  65% sont conclues en moins de 3 mois, la plupart entre 1 et 3 mois et 63% des directions juridiques pensent que la médiation conduit à une résolution de conflit toujours ou souvent plus favorable que la voie judiciaire.

Si l’on en juge à travers l’expérience des entreprises, le premier avantage de la médiation est la protection de leur image de marque (41%). Viennent juste après la continuité de relations et la confidentialité, mais l’efficacité, le gain de temps et la rentabilité, et l’efficacité se placent juste derrière et le management plus efficace du risque n’est pas en reste (24%)

Si certains juristes d’ entreprises craignent encore d’apparaitre en position de faiblesse à ne pas saisir la justice  et voient un risque de non résolution ou de non obligation à l’issue de la médiation, il n’en reste pas moins que 55% des directions juridiques estiment que la médiation devrait être une étape obligatoire avant la saisine du juge et, pour les ¾, que le recours à la médiation va s’accroitre dans leur domaine.

Si les utilisateurs de la médiation en entreprise le disent, le grand public aurait tort de ne pas les écouter…

http://www.squaremetric.com/index.php?option=com_content&view=article&id=12&Itemid=13&func_id=8&sid=15&lang=fr